Les vagues de chaleur de plus en plus intenses menacent la santé, le bien-être et la productivité des volailles. Entre stress thermique et baisse des performances, éleveurs et professionnels avicoles doivent ajuster leurs pratiques pour préserver leur activité. Quelles sont les répercussions et les stratégies d’adaptation de la filière volaille face au réchauffement climatique ?
La thermorégulation chez les volailles
Les volailles ne possèdent pas de glandes sudoripares, ce qui complique leur thermorégulation. Pour se rafraîchir, elles augmentent leur rythme respiratoire, ce qui entraîne une perte de dioxyde de carbone et perturbe l'équilibre acido-basique de leur organisme. Cette méthode de régulation est donc limitée, et au-delà d'un certain seuil, l'animal est en danger.
Pour résumer, les volailles évacuent leur chaleur principalement par :
- Chaleur sensible : pertes par convection (échanges thermiques avec l’air ambiant), conduction (zones dépourvues de plumes) et radiation.
- Chaleur latente : évaporation via la respiration accélérée, qui atteint une limite physiologique au-delà de 200 inspirations par minute.
« Le stress thermique est beaucoup plus précoce qu’on ne le pense : dès 24°C avec 70 % d’humidité, les volailles commencent déjà à en subir les conséquences »
Frédéric Lemane, ingénieur volailles Techna

Les conséquences de l’hyperthermie en aviculture
En cas de fortes chaleurs, les volailles vont se mettre à boire davantage, avec des coefficients eau/aliment pouvant atteindre un facteur 4. Parallèlement, on observe une réduction de l'ingestion alimentaire et une moins bonne digestion liée à la chute de l’activité enzymatique. Cette baisse de digestibilité s’élève jusqu’à moins 20 % pour les protéines et moins 10 % pour l’amidon, tandis que la digestibilité des matières grasses reste stable. Moins d’ingestion couplée à une moindre digestibilité des aliments. Résultat : la croissance est pénalisée. Par ailleurs, les organes liés à l'immunité, comme la bourse de Fabricius (impliquée dans la production des lymphocytes B), peuvent perdre jusqu'à 50 % de leur masse. Les volailles sont alors plus sensibles à certaines maladies. L’augmentation du rythme respiratoire consécutif au stress thermique peut aussi être à l’origine d’alcalose plasmatique (hausse du pH du sang).
Les impacts du réchauffement climatique pour la filière volailles
Les épisodes prolongés de forte chaleur sont à l’origine de pertes économiques importantes pour la filière avicole. La baisse de la qualité des œufs, la mortalité accrue des poussins, et la diminution des rendements en viande sont autant de défis économiques et productifs qui pèsent sur l’ensemble de la filière.
- Reproduction : réduction de la qualité immunitaire des poussins, dégradation de l’éclosion et de la vigueur.
- Production poulets : chute des rendements filet et accumulation de graisse abdominale excessive.
- Ponte : baisse de la qualité de la coquille et des performances des pondeuses.
- Croissance : diminution du Gain moyen quotidien (GMQ), impactant la rentabilité.
- Bien-être et santé animale : inconfort, nervosité et effet immunodépresseur.

L’adaptation des bâtiments au changement climatique
L’amélioration des bâtiments est une solution pour limiter l’impact du stress thermique. Cela passe notamment par l’optimisation des systèmes de ventilation naturelle et mécanique ainsi qu’une meilleure isolation. Les éleveurs peuvent aussi installer des systèmes de brumisation et de refroidissement par évaporation (pad cooling), adaptés aux climats secs. Enfin, à l’extérieur, la plantation d’arbres ou de haies à proximité permet de réduire l’élévation des températures à l’intérieur des bâtiments.

Les bonnes pratiques d’élevage en cas aux fortes chaleurs
1 - Ventiler et rafraîchir l’eau d’abreuvement
Il faut assurer une bonne circulation de l’air dans les bâtiments pour limiter l’élévation de la température corporelle des volailles. Par ailleurs, maintenir l’eau d’abreuvement à une température fraîche est primordial. Une eau trop chaude réduit la consommation et accentue le stress thermique. L’installation de systèmes d’isolation des conduites, l’ombrage des réservoirs et l’utilisation d’abreuvoirs bien positionnés permettent de préserver une eau à température adéquate.
2 - Lutter contre l’alcalose plasmatique
L’hyperventilation entraîne une perte excessive de CO2, causant une alcalose plasmatique. Un apport de bicarbonate de sodium dans l’eau de boisson (0,5 %) permet de réguler le pH sanguin et de préserver les performances.
3 - Réparer les dommages oxydatifs
L’exposition prolongée à la chaleur provoque un stress oxydatif. En effet, les radicaux libres vont créer des dommages sur l’ADN, les protéines et les lipides. L’ajout d’antioxydants, notamment de vitamines C et E, contribue à la protection des cellules hépatiques et améliore la résilience des volailles.
4 - Ajuster la nutrition animale
La formulation des aliments doit être revue pour répondre aux besoins énergétiques tout en minimisant l’impact digestif.
- Maintien d’un apport énergétique stable sans augmentation excessive de l’énergie brute.
- Réduction modérée des protéines pour éviter une production trop élevée de chaleur lors de la digestion.
- Augmentation des matières grasses pour améliorer l’appétence et l’efficacité énergétique et surtout limiter limiter la production d’extra chaleur
Les actions préventives de la filière avicole à moyen et long terme
Des adaptations génétiques et des stratégies de pré-conditionnement peuvent améliorer la résilience de la filière volailles face au réchauffement climatique :
- Sélection de souches plus adaptées aux climats chauds (par exemple : Hubbard et Cobb sont plus résistantes que Ross et Arbor).
- Développement de lignées de volailles avec moins de plumage pour faciliter la dissipation thermique. Or, le gène qui code pour le cou nu est incompatible avec le rendement filet et la croissance.
- Pré-conditionnement à la chaleur en couvoir et en élevage pour renforcer la tolérance thermique des poussins.
Conclusion
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Le réchauffement climatique est une réalité à laquelle font face les élevages de volailles, partout dans le monde
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Les conséquences économiques sont lourdes et le seront de plus en plus (20% de manque de croissance en poulet à 35 jours par exemple)
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Face à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, les professionnels de la filière avicole doivent s’adapter en mixant des solutions de court, moyen et long terme
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Ces efforts sont indispensables pour garantir la pérennité de la production avicole dans un environnement en mutation
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